L’Hommage de la ville de Paris aux troupes engagées en Indochine et en Corée (mars 1951)

 

Par Laurent QUISEFIT

Si, dans le contexte de la guerre froide et de l’agit’-prop’ communiste, la presse de gauche a souvent tiré à boulets rouges sur les « mercenaires » du grand capital et des intérêts bourgeois, ou encore sur les « chiens courants de l'Amérique », le conseil municipal de Paris, en 1951, jugea bon d’adresser le « salut et l’hommage de la capitale » aux forces combattant en Asie. Certes, l'initiative de la proposition revenait à Mme la Maréchale de Hautecloque et au RPF. Sans surprise, les communistes votèrent contre et, lors des débats, déroulèrent les habituels arguments anti-impérialistes, anti-américains et irénistes. Ils louèrent le combat des volontaires chinois, intervenus pour protéger leur frontière et le socialisme, et fustigèrent Syngman Rhee, le « Quisling » des Américains. Les débats du conseil municipal en cette journée de mars, 1951, alors que le général Monclar est à Paris pour tenter d’assurer le maintien au bataillon français de l’ONU des relèves et des renforts nécessaires à l’accomplissement de sa mission, sont significatifs de cette époque et des forces politiques en action.

La proposition sera finalement adoptée, après que Le Provost de Launay eut rappelé qu’il s’agissait d’abord de saluer de grands chefs, envoyés en Extrême-Orient par des ministres socialistes. En outre, ces grands chefs, De Lattre, Monclar, avaient combattu les nazis, et bien plus, De Lattre avait intégré les FTP dans l’armée. « Le colonel Fabien, que vous ne reniez pas, Messieurs les communistes, est tombé au champ d'honneur. Il a été ramassé sur le champ de bataille … Le général de Lattre est venu présider à ses obsèques. Il a pleuré sur Fabien … J'ai rencontré en Allemagne, à l'état-major de de Lattre, un autre communiste, à l'honneur lui aussi, le colonel Roll-Tanguy, à qui de Lattre a aussi confié un régiment », assène Le Provost de Launay, réduisant l’opposition au silence. La motion, qui n’a rien de politique, est votée, par la droite et le centre (ce dernier étant largement socialiste).

En peu de pages, les textes reproduits dans le Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, nous offrent l’illustration et le reflet des perceptions et des positions politiques bien tranchées, un peu oubliées aujourd'hui. En ce sens, c’est là un document précieux sur cette époque.

Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 31 mars 1951.

1 Historien, orientaliste, membre ami.