La fin de la guerre de Corée et la France : craintes et espoirs pour l’Indochine 

Par Laurent Quisefit[1]

Ce texte a été publié dans l’ouvrage : France-Corée‎ : 130 ans de relations, 1886-2016 : [actes du colloque, Paris, Hôtel Marriott, 28-29 mai 2015], [organisé par la Fondation pour l'Histoire de l'Asie du Nord-Est et l'Association Française des Enseignants de Langue et Culture Coréennes] ; sous la direction de Jin-Mieung Li et Saangkyun Yi, Paris, l'Harmattan, / Séoul : Northeast Asian history foundation, Paris : AFELACC, DL 2016.

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« Il est plus facile de faire la guerre que la paix »

Georges Clémenceau

Introduction

La signature de l’armistice du 27 juillet 1953, mit un terme à la guerre de Corée, un long conflit de « trois ans, 7 mois et 27 jours »[2], qui ravagea la péninsule coréenne et sema des alarmes et des ébranlements à travers le monde entier. Le monde avait retenu son souffle, suspendu à l’embrasement de la Corée le 25 juin 1950, voyant croître ses angoisses avec le déferlement des forces communistes pendant tout l’été, reprenant espoir avec l’intervention de l’ONU, puis s’inquiétant à nouveau devant l’intervention chinoise de l’hiver 1950-1951.

A la phase de combat classique, destinée à obtenir une victoire totale, marquée par la réunification de la Corée et animée par le général MacArthur, succèda une longue phase de négociation, caractérisée par différentes concessions, restrictions politiques et modération militaire. En dépit de son caractère total, mêlant guerre civile, conflit idéologique et affrontement international, la guerre de Corée conserva un caractère proprement limité, malgré un déferlement de violence n’épargnant aucunement les civils.[3]

Cependant, le cessez-le-feu ne fut signé qu’entre les représentants des forces de l’ONU et les Sino-Nord-coréens, qu’au terme d’un processus long et complexe. La Corée du Sud refusa obstinément de signer l’accord, considérant celui-ci signifiait l’abandon de la réunification et que les efforts consentis pendant la guerre seraient perdus. La paix fut imposée aux deux Corée par leurs puissances tutélaires respectives, au terme d’un processus de négociation extrêmement long, interrompu ou freiné par de multiples questions et incidents. Le coût matériel et humain de la guerre, les risques d’escalade et de dérapage, la révocation de MacArthur, la mort de Staline, permirent finalement d’arriver à un accord.

L’ombre terrible de la bombe atomique vint à plusieurs reprises planer sur la Corée, que ce soit au moment de l’intervention chinoise et de l’évacuation de Séoul par les forces onusiennes (janvier 1951) ou surtout, à la fin de la guerre, comme un levier pesant sur les négociations de Panmunjŏm[4]. Cette dimension particulière démontre autant l’âpreté des combats que les difficultés des négociations.

En même temps, la guerre de Corée s’inscrit dans ce que l’historiographie a voulu, improprement, nommer « guerre froide ». En ce sens, la connection entre l’affrontement des blocs et la guerre de Corée trouve une double illustration : celle des relations entre la France et la Corée, et la connection entre l’Indochine et la Corée, deux théâtres d’opérations situés sur les marches de la Chine, situés à un mois de marche l’un de l’autre,[5] Ainsi, la Corée apparaît au cœur du jeu complexe des relations entre la France et les Etats-Unis, marquées par l’enjeu considérable de l’Indochine et de la sortie d’un conflit actif depuis la fin des années 1940.

La France et la Corée

Il est significatif que les mémoires ou souvenirs des principales personalités politiques française des années 1950 restent silencieux sur l’armistice de 1953. La conclusion de cet armistice tant attendu, au terme d’un conflit de près de quatre années, n’étonna guère. Il vint confirmer le statu quo ante bellum, et se traduisit par une modeste rectification de la frontière.

L’éclatement du conflit avait, en juin et surtout en août 1950, suscité de sérieuses alarmes en France et en Europe. André Malraux avait raillé le réflexe de nombreux Français qui, au vu de la dégradation de la situation militaire en Corée, et du terrain perdu par les troupes des Etats-Unis, notant l’étrangeté de ce « peuple qui se prépare à la guerre en accumulant les stocks de sardines »[6]. Edgar Faure (1908-1988)[7] reste muet, Jules Moch (1893-1985)[8] montre encore dans ses mémoires une certaine réceptivité aux thèses communistes, et le communiste Jacques Duclos (1896-1975) se borne à critiquer la collusion du Président Auriol avec l’Onu et les Américains. [9].

Si le général De Gaulle instrumentalise le conflit pour demander le réarmement de la France dès l’été 1950[10], de nombreux acteurs politiques restent totalement muets quant à leur perception du conflit coréen[11].

« Ce qui m’a surtout frappé, - et attristé - à mon retour en France », écrit Henri Laugier[12] dans une lettre à son ami Vincent Auriol[13], c’est l’absence d’intérêt, l’ignorance générale et l’inexistence de l’esprit public, en ce qui concerne les problèmes de politique extérieure, qui pourtant...Aujourd’hui, dans l’actuel immédiat, cette apathie de l’opinion est particulièrement sérieuse, sur les problèmes de Corée »[14].

Cette indifférence de l’opinion publique[15] s’applique aussi à la guerre d’Indochine dont les nouvelles ne sont généralement qu’une longue litanie de revers pour l’armée française. D’ailleurs, une bonne partie de l’opinion publique française fait montre d’un profond désintérêt à propos des colonies lointaines et pour le monde extérieur en général, comme l’a démontré Alain Ruscio à propos de la guerre d’Indochine[16].

A la peur de l’été 1950 et au réveil d’un « péril jaune » de pacotille distillé par la presse française[17] au moment de l’intervention chinoise succède la routine lénifiante et insidieuse d’une routine militaire scandée par des batailles âpres, aux noms exotiques mais sans gains territoriaux importants (Chipyeong-ni, Inje, Chorweon) ou des sobriquets pittoresques (Arrowhead, White Horse, Old Baldy, T-Bone).

Après la révocation du général MacArthur (11 avril 1951), champion du monde libre mais incarnation du jusqu’au-boutisme hasardeux de certains milieux américains, et les ouvertures faites par Jacob Malik, délégué de l’Union Soviétique à l’ONU, des négociations furent entamées à Gaeseong (10 juillet). Interrompues, elles reprirent à Panmunjeom le 25 octobre. Le processus de règlement du conflit se trouva plusieurs fois interrompu et repris, sans que les combats cessent pour autant. On mesure le chemin parcouru jusqu’en juillet 1953 et la lassitude des observateurs lointains dont l’attention était attirée, dès les premières alarmes extrême-orientales calmées, en direction de l’Afrique du Nord, de Madagascar, de l’Iran, et aussi, et peut-être surtout, de l’Indochine. En outre, le début de l’année 1953 était aussi marqué, politiquement, par les débats sur le choix des armées nationales ou d’une Communauté Européenne de Défense (CED)[18], dans le cadre du réarmement de l’Europe occidentale contre une menace soviétique estimée à cent-soixante-quinze divisions, contre douze disponibles dans le camp de l’OTAN. Les principales figures politiques françaises se déchiraient entre partisans de la CED, ennemis d’un réarmement allemand et adversaires de toute « machinerie apatride » qui échapperait au contrôle de la France sur ses propres armées[19].

Cependant, la question de la Corée fut abordée à plusieurs reprises par un certain nombre de politologues, parmi lesquels Raymond Aron ou Philippe Devillers, dans des revues souvent très spécialisées et donc peu connues du grand public comme la Revue française de Science politique. Cependant, Esprit, ou Les Temps modernes, ouvriront leurs pages à des commentaires sur le conflit coréen.

Le conflit d’Indochine, les Etats-Unis et la guerre de Corée

Longtemps, le conflit indochinois fut uniquement perçu par Washington comme étant le fait d’une puissance coloniale s’accrochant à sa possession d’outremer. Pourtant, la position de Washington s’infléchit à la lumière du nouveau rapport de forces instauré par la guerre froide et l’inauguration de la politique de contention[20] (containment). Si des succès sont enregistrés sur les marches de l’Europe, notamment en Grèce, la situation se dégrade bientôt en Extrême-Orient. Avec la victoire communiste en Chine en 1949, la situation de l’Indochine s’aggrave irrémédiablement. Les premiers détachements de l’Armée de libération populaire chinoise atteignent la frontière tonkinoise le 14 décembre 1949. La France, craignant de voir les communistes chinois accorder leur soutien inconditionnel au Viêtminh, envisage un temps de reconnaître la Chine dès décembre 1949[21]. Mais Pékin joue la solidarité socialiste et reconnaît le Vietminh comme seul représentant légitime du Viêt-Nam, le 3 février 1950[22].

La France, soucieuse d’éviter toute provocation, désarme les réfugiés nationalistes chinois, et les consigne le plus loin possible de la frontière chinoise, à Phu Quoc, une île du golfe du Siam[23].

L’aide chinoise peut arriver en Indochine, où la pression sur les postes français est déjà très forte, à telle enseigne qu’en septembre 1950, le commandement décide d’évacuer la garnison de Cao Bang et les autres postes de la région en direction de Lang Son. La colonne est attaquée en route, les pertes sont terribles : 2000 hommes tués, 3000 capturés, sur un total de 6000 hommes engagés[24]. Le choc est profond, la défaite indéniable et l’évacuation de Hanoi, la capitale du Tonkin, est même temporairement envisagée[25]. Le viêtminh s’est renforcé, s’emparant de milliers d’armes individuelles, de munitions, de véhicules, de mortiers, et même de treize canons[26]. En outre, cette action implique que la France, en abandonnant ses postes dans le nord, abandonne au vietminh le contrôle de la frontière, et lui permet de se renforcer tout le long de la frontière chinoise. Entretemps, l’attitude américaine, d’abord hostile aux Français, s’est infléchie, à partir de la victoire de Mao Zedong en Chine continentale.

Paris, Saigon, Washington

Avec la perte de la Chine, Washington doit réviser sa stratégie. C’est un revirement total. Dans son célèbre discours du 12 janvier 1950 sur la situation en Extrême-Orient, Dean Acheson rend un hommage appuyé aux Français, dont il loue les efforts pour amener les États associés vers l’indépendance[27].

A Paris, l’Assemblée nationale ratifie le 2 février 1950 les Accords de l’Élysée, signés en 1949, qui accordent au Viêt-Nam son indépendance, bien que les Affaires étrangères et la Défense soient encore réservées à la France. Aussi, le lendemain, 3 février, les États-Unis s’empressent-ils de reconnaître le nouveau gouvernement du Viêt-Nam indépendant, confié à l’empereur Bảo Đại (1913-1997).[28]. Le 16 février, la France demande aux États-Unis une aide militaire pout le Viêt-Nam et en mars 1950, le président Truman fait débloquer une première aide de 15 millions de dollars[29].

Le secrétaire d’État américain à la Défense, Louis A. Johnson, confirme l’intégration de cette aide à la politique de containment de Truman :

« Le choix auquel les États-Unis sont confrontés est d’un côté de soutenir les gouvernements de l’Indochine ou d’assister à l’extension du communisme sur le reste du continent du Sud-Est asiatique et peut-être jusqu’à l’Ouest »[30]. A la même époque, Dean Acheson se bat pour que le Congrès américain veuille bien accorder les aides nécessaires à la Corée, ce qui ne va pas sans mal[31]. Pourtant, comme le souligne Jacques Valette, « l’Indochine devient la clef de la stratégie américaine en Asie du Sud-Est après la victoire de Mao-Tse-tung »[32].

La guerre de Corée, un tournant.

L’agression nord-coréenne de juin 1950 accélère la prise de conscience américaine en montrant l’urgence de la situation en Indochine. L’évolution commencée en 1949 se confirme. La France, jadis perçue comme puissance coloniale étouffant les aspirations des peuples d’Indochine à l’émancipation, devient l’un des champions de la lutte contre le communisme en Asie. Aussi, le président Truman, dans son discours du 27 juin 1950, mentionne l’aide américaine à l’Indochine française : « (…) J'ai ordonné de hâter l'envoi d'une aide militaire aux forces de la France et des Etats associés en Indochine, ainsi que celui d'une mission militaire, pour assurer des relations techniques étroites avec ces forces ».[33]

Dès lors, et en dépit des sommes engagées pour le financer le conflit coréen, l’aide financière des États-Unis vient soutenir l’effort de guerre français. « Après un commencement assez modeste », explique Charles Cogan, « le soutien américain à l’effort militaire français en Indochine augmenta sensiblement entre 1950 et 1954, moment où l’aide s’arrêta après le cessez-le-feu qui suivit les accords de Genève. Presque la moitié de ce montant fut dépensé au cours de la seule année fiscale de 1954 (qui commença le 1er juillet 1953) ».[34]

Le Pentagone a estimé à sept milliards de dollars les sommes consacrées par la France à la poursuite de la guerre d’Indochine, ce qui représente quelques dix milliards de dollars si l’on additionne ce chiffre avec les 2,7 milliards de l’aide américaine ainsi que la contribution des États Associés[35]. Sur le montant de cette aide, environ la moitié (1,3 milliards) fut consacrée à des fournitures de matériel et d’équipements militaires, selon le programme baptisé Mutual Defense Assistance Program (MDAP). Sur ces 1,3 milliards, 773 millions furent dépensés durant les quatre années fiscales de 1950, 1951, 1952, 1953 ; les 553 millions de dollars restants le furent au cours de la seule année fiscale de 1954, en raison notamment des allocations supplémentaires occasionnées par la bataille de Diên Biên Phù[36].

L’autre partie de l’aide américaine distribué à la France le fut en vertu d’un soutien financier appelé Direct Force Support Program, totalisa 1,29 milliard de dollars. Il s’agissait pour l’essentiel d’achats dits off-shore, c’est-à-dire que les États-Unis achetaient en France des équipements destinés à l’Indochine. Ce système a permis à la France de conserver ses réserves de dollars, de réduire son déficit budgétaire, et de répondre, sur le théâtre européen, à ses obligations de membre de l’OTAN[37].

Les États-Unis assumaient ainsi quelques 80 % du coût des équipements de guerre, le paiement des soldes et des primes, de loin le poste budgétaire le plus onéreux[38], avec un corps expéditionnaire d’Extrême-Orient allant de 150 000 à 200 000 hommes[39], restant à la charge de Paris[40].

Les craintes américaines d’une expansion du communisme justifient donc l’attribution à la France de fortes sommes, destinées à l’Indochine. Mais les premiers 15 millions ne sont pas suffisants. L’état-major interarmées des États-Unis (Joint Chief of Staff) remet le 5 avril un rapport sur les mesures à prendre pour enrayer les progrès du communisme dans le Sud-est asiatique. L’état-major interarmées recommande l’allocation de 100 millions de dollars en aide militaire à l’Indochine, pour l’année fiscale à venir, qui devait débuter au 1er juillet 1950 ; au fil du conflit, l’aide ne cessera d’augmenter.

Les pourparlers français et les craintes françaises en cas de cessez-le-feu coréen

Les inquiétudes françaises ont débuté dès les premières négociations en Corée au printemps 1951. Le Quai d’Orsay alerte l’ambassadeur de France aux Etats-Unis : « il serait déplorable qu’après avoir éteint l’incendie dans une partie de l’Extrême-Orient, nous ayons contribué, par attachement à la paix, à le raviver de la façon la plus dangereuse pour nous dans un autre point de cette région du monde »[41]. L’ambassade, mais aussi de Lattre lors de son voyage aux Etats-Unis, s’efforcent d’obtenir la garantie que les troupes chinoises retirées ne se déverseraient pas vers le Sud, et si possible, une promesse de soutien militaire automatique, notamment en s’appuyant sur une réserve de forces issues des combats en Corée. Commence alors une longue et difficile quête de garanties alliées en cas de réédition du scénario coréen d’offensive de « volontaires » chinois[42].

La France a commencé de s’inquiéter d’un règlement de la question coréenne dès le printemps 1951. « Le risque de voir la Chine, libérée en Corée, se tourner vers l’Indochine, a été immédiatement perçu à Paris. Le gouvernement français souhaite (il l’a fait dire par des porte-parole autorisés) voir assortir le cessez-le-feu éventuel d'un engage ment chinois de ne pas intervenir ailleurs » commente Alain Serrières [43]. Ce souci de protéger l'Asie du Sud-Est d'une intrusion chinoise est des plus légitimes.

En effet, un armistice pouvait soit déboucher soit sur le règlement global des conflits asiatiques, soit au contraire, apporter de nouvelles difficultés en Indochine. La Chine avait achevé la construction rapide de routes jusqu’à la frontière indochinoise dès le mois d’août 1950[44], ce qui avait suscité des craintes très sérieuses, renforcées par les événéments de Corée[45].

Ainsi, un armistice en Corée risquait de libérer des troupes chinoises nombreuses et aguerries. Les Français ne disposaient guère du matériel nécessaire pour s’opposer à l’arrivée d’armées chinoises constituées[46], soutenues par de l’artillerie et des chars. La carence française en moyens aériens était patente, et les Américains tentèrent d’y remédier[47].

Les Français se sont efforcés de convaincre les Américains, avant même la guerre de Corée, que le front Indochinois n’était qu’un théâtre d’opération parmi d’autres dans la lutte globale opposant le monde libre au communisme en Asie. C’est donc dans un combat commun aux Américains (et aux Britanniques en Malaisie) que la France est engagée. Une paix séparée en Corée demeure un atout et un risque : la France ne peut s’engager plus à fond dans un conflit asiatique dont les Etats-Unis semblent se désengager, tout en pesant sur la France pour que cette dernière, en Europe, accepte de ratifier la CED[48].

   Les Américains, à partir de novembre 1952, envisagent la rédaction d’une déclaration prévoyant qu’en cas de reprise des hostilités en Corée après la signature d’un armistice, la réponse militaire alliée pourrait ne pas être limitée au territoire coréen[49]. Ce projet rencontre l’inquiétude des Britanniques, craignant comme les Français, un risque d’escalade. Les Français souhaiteraient plutôt un texte qui, pour être moins menaçant, étendrait sa protection à l’Indochine. Or, les Américains, qui souhaitent se désengager du conflit coréen, tout en s’assurant que les braises du conflit ne pourront se rallumer, ne souhaitent pas inclure l’Indochine dans leur avertissement[50]. Selon eux, la menace brandie par les Français est proprement exagérée, et leur définition ne rencontre aucunement la perception française du problème.

Les Français désirent à la fois éviter que l’Indochine « ne soit diluée dans un front antichinois » et tout risque d’escalade », en Corée comme en Indochine. Aussi, la diplomatie française s’est-elle ingéniée à modérer les positions américaines, le plus souvent dans le secret des salons et des corridors diplomatiques et non devant la grande scène des Assemblées onusiennes, comme l’Angleterre et certains membres du Commonwealth le font. Malgré le départ de MacArthur, il faut toujours restreindre les Américains, qui envisagent le blocus[51] voire le bombardement de la Chine, et l’intervention des nationalistes chinois de Chang Kai-chek. D’autre part, les Britanniques craignent une escalade nucléaire qui entraînerait l’intervention des Soviétiques contre leurs intérêts, et les Français ne veulent ni ne peuvent distraire des ressources d’Indochine pour une action contre la Chine qui pourrait être perçue comme une provocation de plus.

Paris, en dépit des divergences qui l’opposent à Washington, voit ses efforts en partie récompensés. « Par son combat en Indochine et par son effort militaire en Europe, la France est à la tête de la défense du monde libre, et de ce fait elle doit avoir le soutien complet de celui-ci (d’où l’importance de la déclaration du Conseil de l’OTAN du 17 décembre 1952, qui exprime un soutien à la lutte menée en Indochine, alors qu’aucune déclaration n’avait été faite sur la Corée, cas moins litigieux), et avoir une place de choix dans la définition de sa stratégie globale »[52]. On comprend mieux, dans ces conditions, qu’une partie de l’assistance matérielle directe normalement fournie par les Etats-Unis à la Corée ait été détournée sur l’Indochine, où la situation des Français paraît plus dangereuse[53] Les efforts de Jean Létourneau et de René Pleven, qui ont décidé en 1950 d’envoyer un bataillon de volontaires français participer à l’effort de guerre de l’ONU pour s’opposer à l’agression nord-coréenne semblent également avoir payé, dans l’affirmation des positions françaises et de la solidarité avec les Etats-Unis[54].

Eisenhower et la nouvelle politique américaine

Avec l’élection du président Eisenhower à la Maison Blanche, la situation prend un tour nouveau. « Ike » s’est engagé à mettre fin à la guerre en Corée. Dans ce but, il ne semble pas jouer l’apaisement, mais au contraire, durcit les positions et menace directement la Chine. En effet, explique-t-il, « nous faisons face à un ennemi que nous ne pouvons espérer impressionner avec des mots, même éloquents, mais seulement par des actions exécutées en regard des circonstances et de nos propres choix », explique Ike à son retour de Corée[55]. En février 1953, il annonce dans son message sur l’Etat de l’Union que la VIIe flotte ne servira plus de bouclier à la Chine communiste. Dans le même temps, l’US Air Force relance les bombardements massifs contre la Corée du Nord, s’attaquant même aux canaux d’irrigation et aux retenues d’eau[56].

Cette surenchère alliée suscite plusieurs attitudes dans la diplomatie française, dont l’attitude oscille entre modération et acquièscement, car il faut certes frapper fort pour pouvoir négocier commodément. Tout est question de seuil et de mesure. Hoppenot le représentant de la France aux Nations unies, critique acerbe de la politique étasunienne, raconte comment Dulles aurait dessiné schématiquement une carte de la ligne de front allant de Corée à l’Indochine et incluant Formose, et lui aurait demandé : « si la situation vous préoccupe en Indochine, pourquoi vous opposez-vous à un raidissement en Corée ? » [57]. Pour lui, la politique républicaine risquait « de réduire à néant les faibles chances d’un règlement pacifique des questions d’Extrême-Orient et les possibilités de manœuvres diplomatiques », et de « cimenter plus fortement que jamais l’alliance sino-russe » [58].

Dans le même temps, Bonnet, l’ambassadeur de France à Washington, conserve de ses entretiens avec Dulles, que « ce serait une erreur fatale de laisser la guerre se poursuivre en Indochine alors qu’elle s’arrêterait au Nord » puisque « Malgré leur désir de se soulager du fardeau, les Américains ne peuvent pas commettre la faute de nous laisser seuls en face d’un danger qu’accroîtrait le rétablissement de la paix en Corée ».[59]. En effet, la peur d’une Indochine balayée par les armées coalisées du Vietminh et des armées chinoises hante nombre de responsables français.

Aussi, on estime à Paris qu’une action limitée, voire même l’utilisation de divisions chinoises nationalistes en Corée, sérieusement envisagée par MacArthur, mais aussi par le général Clark[60] pourraient au moins « faire réfléchir Pékin aux conséquences d’une politique d’agression », mettre à mal le mythe de l’invincibilité chinoise entretenu par le statu quo sur le 38e parallèle[61], et surtout montrer aux Chinois « la nocivité de l’alliance soviétique », déjà dénoncée par Dean Acheson lors de son discours du 12 janvier 1950. Les Français acceptent l’idée d’une offensive limitée, qui permettrait d’atteindre la partie resserrée de la péninsule, front plus court, donc plus aisé à conserver pour les forces sud-coréennes Cependant Paris refuser totalement un débordement du conflit vers la Chine, par action directe ou par des bombardements[62]. Le succès réalisé pourrait alors « être exploité sur le plan diplomatique par l’assurance que l’Occident ne nourrit à l’égard de la Chine aucune intention agressive et être suivi d’une offre de règlement général concernant l’Indochine » préconnisait Paris[63]. Pourtant, l’assurance donnée par Acheson en janvier 1950, que Washington ne nourrissait aucune visée hostile envers Pékin n’avait pas empêché l’entrée en guerre de la Chine populaire neuf mois plus tard.

Alors que Paris tente d’infléchir ou de modérer les décisions de Washington, fidèle en cela à son action durant tout le conflit coréen, le détroit de Formose est déneutralisé le 2 février 1953, sans consultation de la France, ni d’ailleurs des Britanniques ou des Australiens. Certes, Dulles alors en voyage à Paris veut minimiser les risques d’extension du conflit indochinois[64] et rassure sans pour autant s’engager formellement à consulter la France comme préalable à de nouvelles décisions[65], ce qui vexe un peu les Français.

A Paris, on s’inquiète du manque de concertation de Washington, qui décide seul mais engage ses alliés par ses actions. Le souhait américain apparent de ne traiter qu’après avoir remporté la victoire, la fin de la limitation stricte de la guerre à la seule Corée, suscitent des interrogations virulentes, à telle enseigne que le politologue Maurice Duverger oppose dans Le Monde la direction coopérative du monde libre sous le leadership américain à un unilatéral et intolérable « Führerprinzip »[66]. L’autre point qui suscite la crainte est celle de l’établissement d’un blocus de la Chine communiste[67], certes peu efficace en réalité, mais pouvant provoquer la colère chinoise et élargir le conflit. La France, somme toute, poursuit sa politique de 1951, consistant à tenter de modérer les initiatives de son allié américain. Il s’agit toujours d’éviter « toute initiative de nature à conduire à un élargissement du conflit »[68].

La France qui, selon le mot de Pierre Grosser, a « crié au loup chinois durant trois ans, pour obtenir considération, aide et garanties militaires », risque désormais d’être débordée par l’attitude des sénateurs américains et d’une administration présidentielle qui hurlent plus fort encore, dramatisant la situation en Indochine et demandant des mesures énergiques »[69]. Or, la question est de faire pression sur les communistes afin de pouvoir négocier en position de force, et non de risquer une quelconque escalade ; il faut parvenir à une stratégie commune et coordonnée, associant les deux théâtres d’opération.

La mort de Staline

La mort de Staline, le 5 mars 1953, semble avoir débloqué en partie la question du rapatriement des prisonniers de guerre communistes qui grippait les négociations. Zhou Enlai relança à la fin de mars les négociations sur les prisonniers. Un premier échange de malades et de blessés eut lieu entre le 20 avril et le 3 mai 1953 (opération Little Switch) qui vit l’échange de 684 prisonniers Sud-Coréens et des forces des Nations Unies contre 6 670 prisonniers communistes[70]. En outre, la libération des internés civils occidentaux[71] capturés à Séoul en 1950[72] semble un signe encourageant. Les négociations avancent donc en Corée, où, les communistes, font des concessions notables.

La liaison Indochine-Corée

A la fin de l’hiver 1953, la diplomatie française se félicite que les Américains reconnaissent que l’Indochine et la Corée ne sont que deux facettes d’un seul et même combat, ce qu’ont montré les voyages du maréchal Juin en Corée[73] et du général Clark à Saigòn en février, « l’interdépendance ne doit pas être synonyme de fusion ni de subordination (…) Il n’est pas admissible que sous le vocable de « stratégie globale » s’organisât une stratégie purement américaine obéissant aux seules impulsions du principal allié »[74], prévient cependant le Quai d’Orsay.

En Indochine, le vietminh, toujours offensif, vient de marquer des points dans le Nord du Laos, ce que la diplomatie française interprète comme une manœuvre de Moscou et Pékin pour s’assurer une position de force avant les négociations en Corée, et pour préparer, à plus long terme, « la mainmise des communistes sur l’Asie du Sud-Est » [75]. Or, Dulles n’est pas enclin à un compromis qui permettrait à la France de se désengager du conflit. La France souhaiterait certes s’affranchir du fardeau indochinois, mais sans abandonner les Etats Associés aux entreprises du Vietminh. Paris craint en outre que l’armistice et le retour au statu quo ante n’accroisse le ressentiment américain à l’égard de la Chine communiste.

La pression s’accroît donc sur Paris pour que le corps expéditionnaire mène une action victorieuse, afin non seulement de « frapper l’opinion tant occidentale que locale »[76] mais aussi, et surtout, de pouvoir obtenir l’ascendant nécessaire lors des négociations. Cette entreprise serait un succédané de la menace atomique américaine, qui aurait eu un rôle déterminant pour amener les puissances communistes à traiter en Corée, puisque celles-ci ne comprendraient que la force[77].

L’instabilité ministérielle n’aide guère les Français à asseoir leurs positions militaires et diplomatiques. Tout au plus remarque-t-on le consensus qui, au-delà des sensibilités politiques, tend à suggérer un « retrait dans l’honneur » dès que la situation le permettra, et un passage de relais aux Etats-Associés, pourtant bien fragiles.

Pierre Grosser a montré comment les diplomates français ont tenté de sonder les puissances communistes, et chercher à lier la question indochinoise à la question coréenne « en affirmant le principe de l’indivisibilité de la paix en Extrême-Orient »[78]. En effet, Roux, le directeur d’Asie au Quai d’Orsay, souligne de façon convaincante qu’il faudrait, convaincre la Chine de son intérêt « de diminuer l’aide au Vietminh pour encaisser le bénéfice de l’arrêt des hostilités sur le 38e parallèle ». En outre « la mission des Nations unies ne serait pas remplie si l’arrêt des hostilités en Asie du Nord-Est entraînait leur aggravation en Asie du Sud-Est »[79]. Il répète à Dulles qu’il serait illogique pour la France, « inadmissible pour notre pays et impossible pour le gouvernement français » qu’on discute la paix en Corée sans évoquer l’Indochine[80].

Cessez-le-feu en Corée, espoirs en Indochine ?

L’armistice est finalement signé en Corée le 27 juillet 1953, non sans avoir été retardé par différentes manœuvres dilatoires du président Yi Seungman (Syngman Rhee)[81], qui voit échapper la réunification du pays qui lui aurait, au-delà de l’unité retrouvée du pays, conféré un confortable capital de légitimité[82].

Le cessez-le-feu coréen isole la France, désormais seule à combattre en Asie[83]. C’est autant une chance d’obtenir le succès attendu grâce à une aide américaine d’autant plus espérée que les Américains souhaiteraient « venger » leur demi-succès de Corée. Pourtant, la signature d’une trève en Corée semble prouver que le temps des pourparlers est venu.

Le 28 août 1953, l’ONU, reprenant une proposition soviétique, adopta une résolution recommandant une conférence politique à laquelle l’URSS devrait prendre part et désignait les États-Unis pour prendre les contacts préliminaires. Il s’agissait de convoquer une grande conférence internationale réunissant les principales puissances et les deux Corée, afin de trouver un règlement à la question coréenne. Sept semaines durant, les États-Unis menèrent à Panmunjom des négociations avec les Sino-coréens pour déterminer le lieu de ladite conférence, et les contacts furent rompus le 12 décembre 1953.

La Conférence internationale de Berlin (28 janvier -18 février 1954), n’aboutit à rien sur les questions européennes, mais recommanda qu’une conférence réunissant des représentants des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, de l’URSS, de la République de Corée, de la République populaire et démocratique de Corée, et de la République populaire de Chine, se tienne à Genève, le 26 avril 1954, afin de parvenir à un règlement pacifique de la question de Corée. Aussitôt, Yi Seungman s’opposa avec véhémence à cette conférence imposée et menaça de la boycotter.[84] Paris, dès lors, s’ingénia, dès que l’on commença à évoquer la possibilité d’une telle conférence, à convaincre les différentes puissances de la nécessité d’inscrire l’Indochine à l’ordre du jour de la Conférence. En effet, comme l’a formulé Maurice Schumann, à la tribune des Nations unies, 18 septembre 1953, le règlement des conflits en Asie orientale doit s’articuler sur une « paix indivisible ».[85].

En attendant la conférence, il est toujours nécessaire de rechercher le succès qui permettra de négocier en position de force. C’est en partie dans cette optique que le camp retranché de Diên Biên Phù sera organisé[86]. De surcroît, en dépit des timides ouvertures de Dulles en faveur de négociations sur l’Indochine, Washington désire que les Français poursuivent le combat.

Mais la diplomatie française doit jouer de toute sa subtilité pour faire accepter le principe de l’évocation de la question indochinoise à la conférence de Genève. Le principe d’une conféfence sur le conflit en Asie du Sud-Est se fait jour peu à peu, puis la situation se débloque soudain, grâce à de nouvelles concessions américaines, mais aussi soviétiques. La question indochinoise peut enfin être inscrite dans le cadre de la Conférence, ce qui couronnne les efforts de George Bidault ; la même conférence pourra évoquer les deux questions. Toutefois, c’est un fait d’importance, « l’examen de la question d’Indochine n’est plus subordonné à la progression favorable du problème coréen »[87]. La diplomatie française enregistre un grand succès à la veille du débat parlementaire du 5 mars, alors que l’opinion publique française est lasse, et au moment où va commencer, à Diên Biên Phù, la bataille qui doit normalement briser les reins du vietminh.

Or, Mars est capricieux et la bataille tourne mal. Le refus des Américains d’intervenir pour sauver le camp retranché démontre aux Français une certaine duplicité de Washington, qui bloque la Conférence, mais laisse les Français se battre seuls. La capitulation du camp retranché précipite les choses. Les négociations, très âpres, ne déboucheront sur aucune avancée significative relative à la Corée. Après plus d’un mois de pourparlers inféconds, la délégation américaine décide de clore une conférence qui semble surtout se transformer en une tribune internationale pour la propagande communiste.

Pourtant, la présence des deux Corée à la conférence, a permis, sur l’insistence de Molotov, de faire siéger une délégation de la République Démocratique du Viêt-Nam[88]. En outre, Zhou Enlai a bien perçu que les intérêts des Britanniques et des Français se portent surtout sur l’Indochine, et fort peu sur la Corée. Ainsi, après avoir laissé Molotov animer la conférence sur la Corée, Zhou Enlai prend l’ascendant sur la question indochinoise, soucieux à la fois d’éviter un nouvel échec de la Conférence, et aussi d’assurer à la Chine populaire un sérieux capital de prestige en cas de succès. 21 juillet 1954, la conférence de Genève, réunie pour régler le sort de la Corée, aboutit finalement au règlement de la question d’Indochine[89].

Conclusion

Pour la France, les premières inquiétudes passées, la guerre de Corée ne constitua qu’un théâtre d’opération en tous points périphériques : la guerre véritable, celle de la France, c’était celle d’Indochine, quand bien même l’adversaire restait le même, le communisme. Cette position et cette perception permettaient aussi de minimiser la dimension nationaliste et anticolonialiste du mouvement indépendantiste vietnamien et de ses alliés au Laos ou au Cambodge. Elle autorisait surtout, dans un contexte de guerre froide globale, l’obtention d’une aide américaine substantielle, véritable perfusion qui permettait à une France amoindrie par la Seconde guerre mondiale de poursuivre un effort de guerre proprement colossal, qu’elle n’aurait pu soutenir seule.

C’est dans ce contexte qu’éclata la guerre de Corée. Ce conflit majeur, aux ramifications mais aussi aux conséquences multiples, provoqua le refermissement de la toute jeune alliance atlantique et donna le signal d’un réarmement massif de l’Occident, sous la houlette intéressée des Etats-Unis.

La question du réarmement, d’une importance cruciale en Europe même face à la menace soviétique telle qu’elle était perçue à l’époque, s’opposait à celle de la continuation de la guerre d’Indochine qui drainait tant de ressources et tant d’hommes. L’effort de la France était considérable et Jules Moch, le ministre de la Défense français, avait d’abord refusé de distraire le moindre homme d’Europe ou d’Indochine pour participer au conflit coréen, sous le prétexte que « l’envoi d’un bataillon de volontaires est techniquement impossible « et se montrant de surcroît « réservé quant à l’opportunité politique d’une telle décision »[90]. C’est le ministre des Etats-Associés, Jean Letourneau, qui estima qu’il était nécessaire d’envoyer un bataillon en Corée : les Français seraient ainsi logiques avec eux-mêmes et consolideraient sur le plan international, la situation de l’Indochine. « Notre participation, même très réduite à la guerre de Corée, nous garantira l’aide alliée en cas de difficultés nouvelles en Indochine » [91] soulignait le ministre. La participation française au conflit coréen, tout en affirmant la solidarité française avec l’allié atlantique, est ainsi directement liée à l’Indochine, même s’il s’agit aussi d’assumer la qualité de membre du conseil de sécurité de l’ONU. De surcroît, cela permettait à Paris de conserver une autonomie décisionnelle[92] politique et militaire sur les théâtres d’opération où la France conserve des intérêts majeurs, et de ne pas se dissoudre dans la « machinerie apatride »[93] commandée par les Etats-Unis.

L’attitude de la France, empreinte de prudence intéressée, reste tout au long de la guerre de Corée, marquée par les considérations de la Défense de l’Europe et de la sécurité collective, et demeure reliée à la situation de l’Indochine. Le gouffre financier de la guerre d’Indochine[94], la reconstruction de la France et le réarmement sont des pôles budgétaires importants. Surtout, les dernières années de la guerre d’Indochine illustrent l’irrémédiable déclin de la France, et sa troublante carence sécuritaire.

Pourtant, la débâcle nationaliste en Chine a offert une occasion redoublée par la guerre de Corée pour obtenir l’aide américaine. Il a manqué aux Français un peu de chance, de précautions et surtout moins de condescendance vis-à-vis du Vietminh. La bataille de Dien Bien Phu n’a pas été le concasseur du Vietminh. Il a achevé la guerre et la présence française en Indochine. Les Français, grâce à l’aide obtenue, avaient été l’un des grands bénéficiaires de l’aide américaine[95]. L’échec était trop flagrant, la lassitude trop profonde.

Carences sécuritaires

La France, incapable de gagner par ses seules ressources le long conflit indochinois, et impuissante à se réarmer par ses propres moyens, exposait au monde et sa perte d’influence et son désengagement contraint et progressif de ses colonies. Surtout, elle offrait le spectacle d’une armée épuisée, renouant avec les heures les plus sombres des années 1940, en dépit d’un héroisme indéniable.

Seule l’alliance atlantique semblait de nature à offrir les garanties nécessaires à la sécurité de l’Occident. Encore le leaderhip américain, qui permettait d’assurer la poursuite de la guerre ou le réarmement n’était-il pas une protection désintéressée et coopérative, mais aussi, et surtout l’action d’une grande puissance désireuse avant tout de réaliser ses propres objectifs de défense, selon ses propres conceptions et son propre agenda, quitte à négliger les avertissements de ses alliées britanniques et français. On était loin de la fraternité d’armes rêvée, reconnaissant les alliés européens comme des partenaires de même rang.

Cette carence sécuritaire était tout aussi perceptible dans les relations complexes au sein de la coalition onusienne. Elles étaient parfois orageuses entre Washington et Séoul, au point qu’à plusieurs reprises, le plan Everready, consistant en un renversement programmé de Yi Seungman, avait été mis sur la table[96].

La faiblesse militaire de la Corée du Sud trouva son illustration dans la signature, en 1954, du Traité de défense coréano-américain, qui offrait certaines garanties à la Corée du Sud, tout en impêchant son gouvernement de rallumer la guerre. La Corée du Nord, elle non plus, n’échappait pas à cette logique de déficience militaire, qui allait lui conserver la présence des troupes chinoises jusqu’en 1956.

Dans le cas de la Chine populaire, justement, la guerre de Corée semble avoir été mise à profit par Mao Zedong, au prix de lourdes pertes et d’un isolement diplomatique durable, pour édifier les bases nécessaires d’une industrie militaire capable d’assurer la défense et l’influence de la Chine populaire de façon pérenne, notamment en matière d’aviation.[97]

Le resserement des liens asiatiques

Par ailleurs, bien que réalisé en partie sous la direction paternaliste des Etats-Unis, la fin de la guerre en Asie et le départ des Français sonne à la fois l’entrée directe des pays de la région dans la sphère d’influence américaine et un premier rapprochement entre les Etats anticommunistes de la région.

A la fin de l’hiver 1953, le général Mark W. Clark, commandant en Corée, effectua une visite en Indochine. Il invita le maréchal Juin, un vieux complice[98] au Japon et en Corée en février 1953. Si Juin alla naturellement visiter le front tenu par la 2e Division d’Infanterie et le bataillon français (BF/ONU)[99], il rencontra aussi le président Yi Seungman (Syngman Rhee). Ce voyage fut l’occasion de visiter les centres d’instruction de l’infanterie coréenne à Gyeongju, et à Jejudo. Clark pensait que les méthodes américaines pourraient servir à la formation des troupes des nouveaux Etats d’Indochine. Juin fut intéressé et élabora un programme de visites croisées.[100]  Si Clark estime que Juin a été très impressionné par les méthodes modernes de l’US Army, Juin juge peu utile de « former les Vietnamiens sur le même moule »[101]. Deux missions franco-vietnamiennes visitent la Corée dans la première moitié de l’année 1953[102]. Une mission mixte américano-coréenne va au Vietnam en avril[103] ; le général Hinh, chef d’état-major des forces armées vietnamiennes, est invité en Corée[104]. Des officiers sud-coréens et des officiers américains du KMAG[105] font une tournée en Indochine, où ils assurent la promotion de leur méthode d’instruction des Coréens[106]. Sous le patronage de leurs protecteurs respectifs, Coréens et Vietnamiens font connaissance, échangent des vues… En 1954, Le président Rhee reprendra une vieille idée, caressée dès janvier 1950 : constituer un pacte du Pacifique, bâti sur le modèle du Traité de l’Atlantique[107] .

En attendant, le « modèle coréen » prôné par l’armée américaine n’est applicable que dans le cadre d’un front continu et d’arrières suffisamment pacifiées[108].Or, en Corée, la ligne de front était composée de collines nues et de réseaux de tranchées quand, en Indochine, il n’y a pas de ligne de front réelle, mais des zones d’insécurité et des postes fortifiés isolés dans la brousse. En outre, les mentalités vietnamienne et coréenne sont très différentes, les régionalismes prononcés[109], et les aspirations professionnelles différentes. [110].

Le Pentagone et le Département d’Etat n’avaient pas compris que l’arrêt des hostilités en Corée et la division du Vietnam en deux entités irrémédiablement opposées du fait d’un positionnement idéologique inconciliable n’avait fait que gagner du temps, chacun posant les armes durant la trêve ainsi organisée. L’ambition des acteurs étatiques régionaux restait la même, chaque entité vietnamienne souhaitant réunifier la péninsule. Il faudrait encore une bien longue guerre pour que le Vietnam soit réunifié, tandis qu’en Corée, la trêve reste armée, faute d’un accord de paix.

La France, malgré son cuisant échec, noua de nouvelles relations avec les Etats qui s’étaient affranchis de sa tutelle. Surtout, elle tenta de relancer ses relations, économiques et culturelles avec la Corée du sud. La guerre d’Algérie, l’épuisement de la Corée du Sud après la guerre, retardèrent longtemps la relance d’une coopération culturelle qui, en 1949, semblait prometteuse pour le rayonnement de la France en Asie. Les nouvelles relations franco-coréennes, cimentées par la fraternité d’armes entre français et coréens, seront cette fois proprement bilatérales et sincères, affranchies de tout calcul diplomatique ou international. Si la participation française à la guerre de Corée fut contingente, la participation française à ce conflit renforça au contraire les liens d’estime et d’amitié entre les deux Etats, qui n’avaient été qu’esquissés entre 1949 et 1950.

EVOLUTION DES EFFECTIFS FRANÇAIS ET ALLIÉS PENDANT LA GUERRE D’INDOCHINE

 tableauxp21

Etabli par nos soins d’après Alain Ruscio, La Guerre française d’Indochine, Complexe, Bruxelles, 1992, p.160.

            coût du conflit indochinois pour la France

 

                 

Valeurs en milliards de francs.

D’après Le Monde, 21/07/1954, cité par A. Ruscio, op. cit, p. 130.

 

[1] Docteur, chercheur associé, UMR 8173 Chine, Corée, Japon (EHESS, CNRS, INALCO), membre de l’ANAFF/ONU.

[2] Kim Yŏng-myŏng, Koch’yŏ ssŭn Han’guk hyŏndae chŏngch’i-sa (Histoire politique coréenne contemporaine révisée), Úryu munhwa-sa, Séoul, 2001, p. 82.

[3] Voir Lloyd Gardner “Korea's Martyrdom : The Unlimited "Limited War", Reviews in American History, Vol. 24, No. 2 (Jun., 1996), pp. 321-326, compte-rendu critique de l’ouvrage The Korean War, an International History, par William Stueck (Princeton University Press, 1995) ; et aussi Bruce Cumings, Bruce Cumings, « Mémoires de feu en Corée du Nord », Le Monde Diplomatique, www.monde-diplomatique.fr, décembre 2004.

[4] Voir Rosemary Foot, ”Nuclear Coercion and the Ending of the Korean Conflict”, International Security, Vol. 13, No. 3. (Winter, 1988-1989), pp. 92-112.

[5] SHAT 7 U 297, rapport de Monclar sur les opérations de Corée du 7 janvier au 7 mars 1951, p. 51

[6] André Malraux, dans une lettre à Raymond Aron, en 1950 ; voir R. Aron, Le spectateur engagé, entretiens avec J.-L. Missika et D. Wolton, p. 146.

[7] Edgar Faure, Mémoires, I, Plon, Paris, 1982. Edgar Faure fut plusieurs fois ministre et préisdent du conseil.

[8] Ministre de la Guerre dans le cabinet Pleven. Jules Moch, Une si longue vie, Robert Laffont, Paris, 1976, p. 435.

[9] Jacques Duclos, Mémoires, t. IV : Sur la Brèche, 1945-1952 : ‘Des débuts de la IVe République au « complot » des pigeons’, Fayard, Paris, 1971

[10] Le Monde, 13 juillet 1950.

[11] Sur tous ces points voir L. Quisefit, « le rôle de la France dans le conflit coréen 1950-1953 ; contribution à une histoire diplomatique et militaire des relations franco-coréennes » thèse de doctorat, université Paris-Diderot, 2006.

[12] Lettre d’Henri Laugier à Vincent Auriol, 21 juillet 1050 in reprint des Cahiers pour l’histoire de la recherche, CNRS Editions, 1995, documents, correspondance entre Henri Laugier et Vincent Auriol. Henri Laugier est un ami personnel du président Auriol, qu’il a connu à Alger, pendant la guerre mondiale.

[13] Président de la République du 16 janvier 1947 au 16 janvier 1954.

[14] Henri Laugier (1888-1973), médecin, professeur, écrivain, fut aussi secrétaire général adjoint de l’ONU et fondateur de l’Association et de la revue Démocratie Combattante.

[15] En dépit des articles souvent lucides et visionnaires de quelques spécialistes, comme Raymond Aron et des articles de quelques intellectuels, publiés dans les Temps modernes ou dans Esprit, qui s’adressent à un public éduqué et intellectuel.

[16] Alain Ruscio La Guerre française d’Indochine, Complexe, Bruxelles, 1992. Sur l’état de l’opinion publique française sur la Corée, voir L. Quisefit, « The Korean War as Seen from France : Public Opinion and Political Perceptions, Seoul Journal of Korean Studies, vol. 24, Number 1, June 2011, pp. 137-158.

[17] « Des cavaliers mongols en Corée », Le Monde du 13 décembre 1950, repris dans celui du 13 décembre 2000 (p. 18). « Des Hordes d’hommes sur des poneys[17] surgissent des horizons mandchous », Paris-Match, 18 novembre 1950

[18] Voir sur ces questions Maurice Vaïsse (s.d.), La IVe République face aux problèmes d’armement, Complexe, Bruxelles, 1998.

[19] Voir la Conférence de presse de Charles de Gaulle (Paris, 25 février 1953) dans De Gaulle, Charles, Discours et messages. Volume II : « Dans l'attente (1946-1958) ». Paris: Plon, 1970 et aussi http://www.cvce.eu/obj/conference_de_presse_de_charles_de_gaulle_paris_25_fevrier_1953-fr-9bf9edb1-a616-4d81-b935-9917445789e0.html

[20] Ou « endiguement ».

[21] Cf. V. Auriol, Mon septennat, 1949, p. 241.

[22] Cf. Charles Cogan, « L’attitude des États-Unis à l’égard de la guerre d’Indochine », in M. Vaïsse (s.d.) L’armée française dans la guerre d’Indochine, p. 61.

[23] Hugues Tertrais, « Le poids financier de la guerre d’Indochine » in M. Vaïsse (s.d.) passim, p. 40.

[24] Regaud et Lechervy, Les Guerres d’Indochine, p. 99.

[25] Regaud et Lechervy, Les Guerres d’Indochine, p. 99.

[26] A. Ruscio, passim.

[27] MAE, Amérique 1944-1952, États-Unis, n° 134, ff. 64-66. « Des progrès ont été accomplis en Indochine où les Français, bien qu’ils procèdent lentement, font des pas en avant. Il existe des signes notamment en ce qui concerne le transfert des responsabilités à une administration locale et le ralliement à cette administration. Nous espérons que la situation permettra aux Français de faire de nouveaux progrès et de les faire rapidement. Mais je connais parfaitement toutes les difficultés auxquelles doit faire face le Ministre des Affaires Etrangères de France et mon admiration et mon respect pour lui sont si grand que je ne voudrais pas accroître par un seul mot le poids du lourd fardeau qu’il porte » déclare Dean Acheson.

[28] L’empereur Bảo Đại sera chef du gouvernement du Viêt Nam du 14 juin 1949 au 21 janvier 1950. Monarque depuis 1926, il avait abdiqué en 1945.

[29] Charles C. Cogan, article cité, p. 61.

[30] Charles C. Cogan, article cité, p. 62.

[31] Ronald McGlothlen, «Economics, and the American Commitment in Korea, 1947-1950 », The Pacific Historical Review, Vol. 58, No. 1 (Feb., 1989), p. 45 sq.

[32] Jacques Valette, La guerre d’Indochine- 1945-1954, A. Colin, 1994, p. 246.

[33] Memoirs by Harry S. Truman, volume II, Years of Trial and Hope, Doubleday and Co. New York, 1956, p. 339. Des transcriptions originales du document, en français et en anglais, sont conservées dans le dossier Asie-Océanie, 1944-1955, Corée, n°18, ainsi que MAE, Cabinet du Ministre, Robert Schuman 1948-1953, n° 88, ff. 007-008.

[34] Charles Cogan, article cité, p. 63.

[35] L’indépendance des Etats de l’Indochine, reconnue au sein de l’Union française, faisait du Viêt-Nam, du Laos et du Cambodge des Etats Associés.

[36] Charles Cogan, art. cité, p. 63.

[37] Sur ces questions, voir aussi Hugues Tertrais, La Piastre et le Fusil, …, Paris 2002.

[38] Les dépenses assurées par la France se répartissaient ainsi : solde (40%), alimentation et habillement (20%), armement (12 %), acheminement sur place (4%), etc.  . (Hugues Tertrais, op. cit. p. 179).

[39] De 1948 à 1954, environ 400 000 hommes furent expédiés en Indochine au titre de la relève ou en renfort. (Hugues Tertrais, op. cit, p. 178. « Nous avons aujourd'hui 170.000 hommes au Viet-Nam (Daladier rectifie : 192.000), plus 50.000 « supplétifs » plus 100.000 hommes de « l'armée nationale vietnamienne »1 ; cela ferait au total, 350.000 soldats » (« Sur l’Indochine, premiers aveux », Esprit, Nouvelle Série, No. 187 (2) (février 1952) p. 252. Ce contexte explique le caractère symbolique mais réduit de l’engagement de la France en Corée, limité à un aviso en 1950 et à un bataillon d’infanterie.

[40] Cf. Hugues Tertrais, op. Cit, p. 179.

[41] Télégramme de Paris à Washington, 13 juillet 1951, MAE, Asie-Océanie, Indochine, dossier 217.

[42] A partir d’octobre 1950, une “armée des Volontaires chinois”, intervient en Corée et renverse le cours de la guerre, sauvant la Corée du Nord de la destruction.

[43]Alain Serrières, « De la Corée au Vietnam », 23 août 1953, Esprit, Nouvelle série, No. 182 (9) (septembre 1951), p. 409.

[44] Jon Halliday et Jung Chang, Mao, the Unknown Story, Gallimard, Paris, 2005.

[45] Lettre n° 2255 /CAB/J.S. "Réservé", en date du 31 juillet 1950, "Le Général de Corps d’Armée Carpentier, Commandant en Chef des Forces Armées en Indochine, à M. Le Ministre des Etats Associés", AN 4AG/247, Comité de la Défense Nationale, Séance du 18 août 1950.

[46] En définitive, les troupes chinoises seront très progressivement retirées, entre 1953 et 1956, et participeront activement à la reconstruction de la Corée du Nord. Voir Park Young-sil, « Cheongjeon ihu chungguk inmin jiweongun eui taebukhan jiwoeon gwa cheolsu », Cheongsin munhwa yeongu, n° 105, vol. 29, no 4, pp. 265-291.

[47] L’aide américaine à l’Indochine française se traduisit aussi par la livraison, à la fin de juin 1953, de 1224 chars et véhicules de combat, 20 274 véhicules de transport, 2 847 pièces d’artillerie, plus de 5 millions d’obus d’artillerie, mais aussi 302 navires et 304 avions, sans compter des munitions et des armes légères Charles Cogan, art. cité, p. 64.

[48] Communauté Européenne de Défense. Projet destiné à bâtir une armée européenne au sein de l’OTAN.

[49] Pierre Grosser, « La « paix indivisible » ? La diplomatie française, la fin de la guerre de Corée, et l’issue de la guerre d’Indochine », in Pierre Journoud (dir), La guerre de Corée et ses enjeux stratégiques de 1950 à nos jours, L’Harmattan, Paris, 2014.

[50] MAE Nations-Unies, Organistiona Internationales (NUOI), Dossier 150 et 151, Indochine dossier 217, Service Historique de la Défense, (ci-après SHD), Carton 10H288.

[51] Un blocus, d’ailleurs, serait inutile, en raison des lignes continentales intérieures de la Chine avec l’Union soviétique.

[52] Pierre Grosser, passim.

[53] 22. CJCS, memo to C/S USA, 19 Nov. 1952, and C/S USA to CJCS, 26 Nov. 1952, Miscellaneous File, 1952, CJCS Files, RG 218., cite par Alan R. Millet, “Dwight D. Eisenhower and the Korean War: Cautionary Tale and Hopeful Precedent”, The Journal of American-East Asian Relations, Vol. 10, No. 3/4 (Fall-Winter 2001),p. 166.

[54] Et ce, en dépit de la force du mouvement communiste en France.

[55] Cité par Rosemary Foot, “Nuclear Coercion and the Ending of the Korean Conflict”, International Security, Vol. 13, No. 3. (Winter, 1988-1989), p. 96.

[56] Rosemary Foot, art. cité., p. 95.

[57] Télégramme d’Hoppenot à Paris, 22 janvier 1953, MAE, Asie-Oceanie, Corée, Dossier 47.

[58] Lettre d’Hoppenot à Paris, 5 février 1953, MAE, Papiers Hoppenot, Dossier 13, cité par Pierre Grosser, articlé cité.

[59] Note pour le ministre, 3 janvier 1953, MAE Asie-Océanie, Indochine, Dossier 287.

[60] Mark W. Clark, From the Danube to the Yalu, p. 74-75. Chiang Kai-chek lui proposera même trois divisions en 1953.

[61] Après la fin de 1951, et les grands mouvements de 1950-1951, les principaux combats s’échelonnèrent  le long du 38e parallèle, sur des portions territoriales minimes.

[62] L’extension du conflit à la Chine populaire avait été préconisée par MacArthur, en 1951.

[63] Notes de la Direction des affaires politiques, 6 janvier 1953, voir MAE NUOI, Dossier 150, 30 janvier 1953, MAE Asie-Océanie Chine Dossier 199.

[64] Notes prises par Parodi lors de la réunion Bidault-Dulles-Stassen, 2 février 1953, MAE Secrétariat général, Dossier 29.

[65] Notes de Parodi lors de la réunion Bidault-Dulles-Stassen, 2 février 1953, MAE Secrétariat général, Dossier 29.

[66] Maurice Duverger, « Leadership ou Führerprinzip ? » Le Monde, 17 février 1953.

[67] Cette mesure avait été envisagée au lendemain de l’intervention des volontaires chinois, et repoussée. Voir MAE, Asie-Océanie, Corée, n° 73, f. 35, et suivant.

[68] MAE, Asie-Océanie, Corée, n° 73, f. 59, Paris, 4 janvier 1951 Secrétariat des Conférences, télégramme au départ pour déléfrance New York, Londres et Washington.

[69] Pierre Grosser, passim.

[70]  Dont 5640 Nord-Coréens. 471 Sud-Coréens furent aussi rapatriés lors de l’opération.

[71] A ne pas confondre avec les internés civils coréens, dont le statut diffère. Ce groupe comprend en effet des ressortissants de puissances neutres et des diplomates.

[72] Voir Laurent Quisefit, « L’arrestation et l’internement des civils étrangers de Séoul en Corée du Nord pendant le conflit coréen, 1950-1953 », in Pierre Journoud (dir), La guerre de Corée et ses enjeux stratégiques de 1950 à nos jours, L’Harmattan, Paris, 2014, pp.119-138.

[73] Le Maréchal Juin (1888-1967) mentionne incidemment sa visite en Corée dans ses mémoires (tome 2).

[74] Note de la Direction des affaires politiques sur la coordination de l’action des gouvernements alliés en Extrême-Orient », 18 mars 1953,  MAE Asie-Océanie, Indochine, Dossier 288.

[75] Câble de Bonnet, 5 mai 1953, MAE Asie-Océanie Indochine, Dossier 290, 6 mai 1953, MAE, Amériques, Etats-Unis, Dossier 370, dépêche de Bonnet, 7 mai 1953.

[76] Câble de Navarre à Etats associés, 23 juin 1953, SHD Carton 10H1519.

[77] Du moins est-ce l’opinion du Pentagone.

[78] Note de Roux, directeur d’Asie au Quai d’Orsay sur les perspectives d’une négociation diplomatique, 15 juin 1953, MAE Asie-Océanie, Indochine, carton 155, cité par Pierre Grosser, art. cité.

[79] Memorandum remis le 14 juillet 1953, MAE Asie-Océanie, Indochine, carton 291, câble de Bidault, 14 juillet 1953, MAE NUOI, Dossier 251.

[80] MAE Asie-Océanie, Indochine, Dossier 291Câble de Bidault, 13 juillet 1953, cité par Pierre Grosser, art. cité.

[81] Le 18 juin 1953, Yi Seungman fait libérer unilatéralement 25 000 prisonniers de guerre nord-coréens, qu’il fait arbitrairement reclasser comme « civils », ce qui provoque la colère non seulement des communistes, mais aussi de Washington. Eisenhower prévient le président Yi qu’une autre initiative de cette nature conduirait au retrait pur et simple des Etats-Unis. En réalité, il existe un plan de renversement du président Yi, mais Ike évite une action qui nuirait à l’image des Etats-Unis dans le monde. (voir C. Goulden, The Untold Story of the Korean War, pp, 638-641, et les mémoires d’Eisenhower, Mandate for Change, p. 185.

[82] Les manœuvres politiques de Yi Seungman au printemps 1952 pour accéder à un nouveau mandat prirent la forme de troubles organisés à Pusan (Pusan jeongch’i pongdan) et d’une chasse aux opposants jusqu’à l’assemblée nationale qui embarrassa considérablement la position des Etats-Unis et de l’ONU.

[83] La situation en Malaisie ou aux Philippines n’est en rien comparable à celle de l’Indochine.

[84] Henry W. Brands, Jr. “The Dwight D. Eisenhower Administration, Syngman Rhee, and the "Other" Geneva Conference of 1954” Pacific Historical Review, Vol. 56, No. 1 (Feb., 1987), p. 161.

[85] Sur ce point, voir Pierre Grosser, « La « paix indivisible » ? La diplomatie française, la fin de la guerre de Corée, et l’issue de la guerre d’Indochine », in Pierre Journoud (dir), La guerre de Corée et ses enjeux stratégiques, de 1950 à nos jours, L’Harmattan, Paris, 2014.

[86] Dans la copieuse historiographie sur cette bataille, je renvoie au Paroles de Dien Bien Phu, de Pierre Journoud, et Hugues Tertrais (Tallandier, Paris, 2004).

[87] Câble de Schumann, 20 février 1954, Archives du Ministère des Affaires Etrangères (ci-après MAE), NUOI, Carton 75.

[88] Câble de Chauvel, 28 avril 1954, AN Papiers Bidault, Carton 55. Cité par Pierre Grosser, art. cité.

[89] François Joyaux, La Nouvelle question d’Extrême-Orient, Tome 1: l’ère de la guerre froide (1945-1959), p. 169 sq.

[90] Idem. Il n’est pas clair si « ces réserves sur l’opportunité politique d’une telle décision » concernent la situation politique en France même ou sa position internationale.

[91] Archives Nationales, 4 AG / 247, Comité de la Défense nationale, Secrétariat général Permanent de la Défense Nationale, Séance du 18 août 1950, p. 17.

[92] Ce désir de conserver la capacité décisionnelle, voire d’influer sur la politique américaine, est patent dans les hautes sphères militaires et civles en 1950, au moment de l’engagement français en Corée.

[93] Expression de De Gaulle à propos de l’OTAN.

[94] Voir Hugues Tertrais, passim.

[95] Avec Formose (Taiwan).

[96] Voir Henry W. Brands, Jr.” The Dwight D. Eisenhower Administration, Syngman Rhee, and the "Other" Geneva Conference of 1954” Pacific Historical Review, Vol. 56, No. 1 (Feb., 1987), p. 62.

[97] Jon Halliday et Jung Chang, Mao, Gallimard, Paris, 2005.

[98] Clark et Juin avaient servi ensemble en Italie, pendant la Seconde Guerre mondiale.

[99] Rattaché au 23e d’Infanterie américain.

[100] General Mark W. Clark, From the Danube to the Yalu, p. 319.

[101] Rapport de fin de mission de Juin, SHD, Papiers Navarre, Carton 4.

[102] SHD, Cartons 10H292 et 10H399.

[103] Le général Clark visite le Vietnam et rencontre les plus hauts responsables français et vietnamiens en mars.

[104] Compte rendu de l’attaché militaire à Tokyo sur le voyage de Hinh en Corée et au Japon, 21 avril 1953, MAE Asie-Océanie, Japon, Dossier 14, télégramme de Saigon à Etats associés, 19 mai 1953, SHD, Carton 10H120. Et aussi Clark, op. cit, p. 322.

[105] Korean Military Advisory Group/

[106] Sans connaître les réalités du terrain, Clark fustige le fait que les Français n’aient pas eu avec les Français la même relation d’affection que les Américains avec les Coréens… ce qui trahit sans doute sa perception personnelle de la présence française en Indochine.

[107] A cette date, les Philippines sont aux prises avec une active guérilla communiste, et Syngman Rhee est prêt à abandonner la direction de cette Alliance au président philippin Elpidio Quirino, en poste de 1948 à 1953. Note de l’ambassadeur en Corée (Muccio) au Secrétaire d’Etat, Séoul, 28 janvier 1950, Foreign Relations of hte United States (FRUS), 1950, volume VII, p. 18.

[108] Legénéral Clark reconnait cette profonde différence dans ses mémoires. (op. cit. p. 320).

[109] D’une part, l’unité du Tonkin, de l’Annam et de la Cochinchine est tardive. C’est la France qui réalisa la fusion durable des trois Ky. D’autre part, les montagnes du nord et de l’ouest sont peuplées de minorités.

[110] Réponse à la question 6 du questionnaire américain, mars 1953, MAE Etats associés, Carton 188.